Abdelmadjid Tebboune et son chef du renseignement extérieur impliqués dans des enlèvements commandités sur le sol français et espagnol

Dans une enquête choc menée par Mohamed Sifaoui, publiée aujourd’hui dans l’édition papier du Journal du Dimanche, les services de renseignement et les enquêteurs judiciaires français ont formellement mis en cause le président Abdelmadjid Tebboune et le général Rochdi Fethi Moussaoui, patron du renseignement extérieur algérien (DGDSE), dans une série d’opérations d’enlèvements et d’intimidation commanditées par l’État, menées en France et en Espagne depuis 2020.
Le général Rochdi Fethi Moussaoui, actuellement à la tête de la DGDSE, a été en poste à Paris entre 2022 et octobre 2024. Il continue de superviser les “barbouzeries” en France par l’intermédiaire de son homme de confiance Mohamed Wassim Abloul, alias “Abdelghani”. “C’est le général Sadek qui a tout coordonné dans l’affaire Amir Boukhor”, affirme sans détour un cadre bien placé des services spécialisés français. Son nom apparaît également dans une “note confidentielle” consultée par Mohamed Sifaoui, qui souligne le rôle de celui qui dirigeait alors le “bureau sécurité et liaison” de l’ambassade.
Des preuves techniques irréfutables
Dans la tentative d’enlèvement du youtubeur Amir Boukhors, les enquêteurs français ont confirmé :
- L’adjudant SR de la DGDSE a été géolocalisé sur les lieux de l’enlèvement puis à l’endroit où Amir Boukhors a été détenu. Il a été arrêté à son retour en France le 8 avril 2025.
- Il a échangé des messages opérationnels avec deux complices (aujourd’hui incarcérés), puis a transmis, via une messagerie chiffrée, des photos et un compte-rendu de mission à trois supérieurs : deux agents en poste à Paris et un contact à Alger. Les deux premiers opéraient sous couverture diplomatique et ont depuis quitté la France.
- Le commandant SS, premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie à Paris, a été localisé près du domicile d’Amir le soir des faits. Il a quitté discrètement la France en juillet 2024.
- Le lieutenant-colonel HB, consul adjoint à Créteil, s’est exfiltré via l’Italie en décembre 2024.
- Le troisième destinataire, basé à Alger, était le colonel Souahi Zerguine, alias Mouad, bras droit du général-major M’henna Djebbar, ex-chef de la DGDSE prédécesseur du général Rochdi Fethi Moussaoui . Il a été désigné par les services français comme “le coordinateur des opérations clandestines à l’étranger à l’échelle internationale”. Il était en lien étroit avec Boualem Boualem, directeur de cabinet de la présidence. C’est lui qui transmettait les directives présidentielles, visant selon les cas à “surveiller, corrompre, intimider ou neutraliser”.
- Un traceur GPS retrouvé dans le véhicule incendié de la victime a été rattaché à une adresse IP localisée au 50, rue de Lisbonne, 75008 Paris, soit l’adresse même de l’ambassade d’Algérie.
- Le financement : 50 000 euros en liquide, issus d’une caisse noire interne gérée par Moussaoui, ont servi à rémunérer les exécutants. Les versements effectués en espèces par l’adjudant SR et qui figurent dans des échanges de messages.
En Espagne, les services de renseignement ont également établi des liens entre le réseau de Moussaoui et la tentative de kidnapping de l’ex-officier Hichem Aboud, interceptée par la Guardia Civil près de Séville. Méthodes similaires, coordination identique, et là encore, les signaux remontent jusqu’à la DGDSE.
L’obsession de Tebboune
Décrit comme impulsif et vindicatif, Abdelmadjid Tebboune serait devenu de plus en plus instable, selon le JDD, notamment en raison de ses tentatives d’arrêt de l’alcool et du tabac. Contrairement à ces affirmations, nos propres sources assurent qu’il continue à fumer et à boire en privé. En Août 2021, Tebboune a tenu un discours erratique dans lequel il déclarait : “Nous utiliserons tous les moyens contre lui, et il le paiera très cher”, a lancé Tebboune dans un ton qui ne laisse place à aucun doute, une déclaration explicite faisant référence à l’ensemble des instruments de répression : judiciaire, médiatique, clandestin, voire l’enlèvement et le terrorisme d’État. Il a ensuite poursuivi sur un ton moqueur : “Même s’il ne fait que tchérak el-foum de loin… ”. Cette expression populaire algérienne, péjorative et méprisante, est utilisée pour ridiculiser ceux qui “ouvrent leur grande gueule” à distance, perçus comme bruyants, provocateurs, mais hors de portée. Enfin, il conclut par une menace frontale : “Viendra le jour où il paiera”, un avertissement sans ambiguïté faisant allusion à un châtiment inévitable, tôt ou tard. Pour les services français, il s’agit d’une campagne structurée de répression extraterritoriale, conduite avec les moyens de l’État et sous couverture diplomatique. Cette campagne est survenue après de multiples échecs judiciaires et tentatives d’extradition, dont certaines ont été démasquées comme grossièrement falsifiées : faux documents, chefs d’accusation fabriqués.
Un magistrat français résume : “C’était une tentative de manipulation de la justice française. Indigne d’un État.”
La suite : la France passe de l’exposition à la riposte
L’enquête révèle également que le Quai d’Orsay a officiellement saisi les autorités algériennes afin de demander la levée de l’immunité diplomatique du premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie à Paris, pour qu’il puisse être entendu par la justice française.
Le président Emmanuel Macron a personnellement sollicité des notes et rapports circonstanciés pour prendre la mesure de la situation et définir une ligne politique claire jusqu’à la fin de son mandat. Il a ainsi reçu plusieurs notes confidentielles étayées, rédigées par sa cellule diplomatique et la direction Afrique du Nord – Moyen-Orient du Quai d’Orsay.
L’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, actuellement rappelé à Paris, a adressé une note diplomatique à l’Élysée, tout comme son prédécesseur, François Gouyette.
Mais les rapports les plus détaillés et les plus sévères sont issus des services spécialisés français, qui ont méthodiquement documenté les manœuvres brutales et les ingérences répétées des services algériens, tant sur le territoire national qu’à l’encontre des intérêts français en Algérie et en Afrique.
Face à ces éléments, le président Macron a convoqué un Conseil de défense exceptionnel dédié à l’Algérie. Une première réunion s’est déjà tenue ; une autre est prévue dans les prochains jours.
Abderrahmane Fares.