Algérie : Après la parodie électorale du 7 septembre la répression s’accentue
Contraint à étaler au grand jour la fraude électorale qui a assuré à Abdelmadjid Tebboune un second mandat à la tête de l’Etat algérien, le régime en place semble prendre sa revanche contre le peuple qui l’a désavoué plus d’une fois.
Par Hichem ABOUD
Arrestations, intimidations, demandes d’extradition d’opposant à l’étranger et interdictions de toutes activités aux rares partis d’opposition qui tentent de survivre vaille que vaille.
Quelques jours après l’investiture de Tebboune pour sa reconduction dans sa fonction de président de la république, le stade de Douera, dans la banlieue sud d’Alger, a été le théâtre de violentes échauffourées opposant les forces anti-émeutes de la gendarmerie aux supporters du club le plus populaire d’Algérie, le Mouloudia Club d’Alger, doyen des clubs algériens, né en 1921, bien avant le premier parti politique du mouvement national, le PPA (Parti du peuple Algérien) revendiquant l’indépendance du pays.
Devant disputer la deuxième manche de l’empoignade qui l’opposait au club tunisien, l’US Monastir, pour le compte du second tour préliminaire de la ligue des champions d’Afrique, le club algérois a vécu un véritable cauchemar dans son nouveau stade qui porte le nom emblématique de l’un des héros de la guerre de libération, Ali Ammar dit Ali La Pointe.
A l’ère de la vente en ligne des billets de spectacle, les supporters du doyen des clubs algériens sont appelés à vivre l’enfer des longues files d’attente et des bousculades devant les guichets du stade du 5 juillet à Cheraga. Ils ne s’imaginaient pas le pire qui les attendait pour le jour du match.
Incroyable mais vrai. Pour 50.000 spectateurs, les organisateurs ont décidé d’ouvrir une seule porte d’entrée. De quoi faire sortir de leurs gonds des supporters venus faire la fête avec leurs tifos, drapeaux, étendards et oriflammes. Ils réclament l’ouverture d’autres portes. Leur réclamation ignorée, les supporters se mettent, alors, à scander des slogans politiques hostiles au pouvoir en répétant surtout « Etat civil et non à l’Etat militaire ». La réaction des forces de la gendarmerie ne se fait pas attendre. Une véritable bastonnade s’abat sur les supporters. Les scènes filmées par des amateurs montrent des images horribles. « Même les soldats israéliens ne sont pas si violents et cruels avec els palestiniens comme l’étaient les gendarmes algériens avec les supporters du Mouloudia d’Alger » observe-t-on. Les échauffourées se terminent à l’extérieur du stade par un mort, un jeune d’une vingtaine d’années, plus d’une centaine de blessés et 14 arrestations.
Ce n’est là que le premier round d’une inexplicable violente répression. Le deuxième round, se jouera à la fin du match à l’intérieur de l’enceinte. Alors qu’on jouait les temps morts d’un match remporté par le Mouloudia d’Alger sur le score de 2-0, lui assurant la qualification pour les prochains tours, des bombes lacrymogènes sont tirées par les gendarmes à partir des tribunes du stade. Trois d’entre elles, tombent sur la pelouse. Les joueurs des deux équipes, les arbitres et tous ceux qui étaient sur la main courante sont en larmes. Dans les tribunes, les gendarmes ne se suffisent pas de leurs gourdins. Ils arrachent les chaises en plastic pour les balancer sur les joueurs. Un véritable cauchemar auquel on ne trouve pas la moindre explication.
Les pouvoirs publics n’ont pris aucune mesure de sanction contre la gendarmerie auteur de ces violences sans raison et n’ont ordonné aucune enquête. Bien au contraire, ils ont sanctionné le club algérois d’un match à huis-clos prétextant « la nécessité d’attendre que les esprits se calment ».
Des femmes bravent en lutte
Pour les activistes, le pouvoir en place, pour mieux agir dans le silence complice, il a commencé par pirater la page Facebook du Comité National pour la Libération des détenus (CNLD). Cette page rendait compte régulièrement des arrestations et des peines de prison prononcées par les tribunaux algériens à travers le territoire national. Evidemment, la presse algérienne, privée ou publique, ne souffle pas mot sur ces sujets.
Ainsi, on ne saura plus rien sur les militants enlevés ou arrêtés par les forces de sécurité. Seuls quelques voix disposant d’un peu de temps avant leur arrestation peuvent poster sur les réseaux sociaux des messages sur ce qui risque de leur arriver. C’est de cette manière qu’on apprit l’incarcération de la « brave du désert », Abla Guemari avant qu’elle ne soit arrêtée sur son lieu de travail, le 27 septembre, par des agents de police. Le juge d’instruction du tribunal de la ville de Touggourt avait ordonné de transformer son contrôle judiciaire en détention préventive. Abla Guemari est accusée « d’apologie du terrorisme » pour avoir dénoncé la situation de précarité et de misère dans la quelle végètent les populations de la région du sud du pays nourricière de l’Algérie avec son pétrole, son gaz et ses minerais de fer et d’Or.
Dans la même période, Sur les montagnes de la Kabylie, Le 15 septembre dernier, quatre voitures (4×4) de la gendarmerie étaient venues au village de Wafia, une jeune fille qui refuse de se soumettre à l’injustice comme elle le clame. Les gendarmes ont procédé à une perquisition de la maison. Ils ont cassé la porte de ma chambre et ont procédé à des fouilles, pièce par pièce », écrit-elle sur sa page Facebook.
Djamila Bentouis, condamnée à trois de prison pour avoir composé une chanson dédiée au « hirak », continue de purger sa peine. Le régime algérien a fait la sourde oreille à l’appel des experts de l’ONU qui ont demandé è la justice algérienne d’annuler la peine de trois ans de prison.
Djamila n’est pas la seule à aller en prison pour une chanson qui n’est pas du goût des gouvernants. Bien avant elle, le rappeur Bilel Hemila alias « Bilal double Kanon » a séjourné derrière les barreaux. Après avoir purgé sa peine, il quitte le pays comme des milliers d’autres jeunes, à bord d’une embarcation de fortune pour aller demander l’asile en Espagne où il vit actuellement avec le statut de réfugié politique.
Lundi 30 septembre, le jeune Djenadi Ahmed Kamel, alias DAK, rappeur de la ville d’Annaba, dans l’est du pays, est à son tour arrêté et incarcéré. Son crime ? Une chanson qui dénonce le pouvoir en place.
Les partis politiques, ou ce qu’il en reste, vivent des temps très difficiles. Le RCD qui a survécu à la purge effectuée par son ancien président Saïd Saadi, qui l’a vidé de tous ses ténors cofondateurs, reprend du poil de la bête. Mais, il est vite rappelé à l’ordre. Interdit d’activités durant la période électorale, il continue de subir le diktat d’un régime frileux et très sensible à la moindre opposition. Son président, Athmane Mazouz s’est vu signifier une interdiction d’organiser un débat au théâtre de Bejaïa programmée pour le 5 octobre. Un refus sans le moindre justificatif.
Ce ne sont là, que quelques-unes des facettes de la répression qui s’abat sur les Algériens, durant ces dix derniers jours. La suite semble.
Vidéo de solidarité contre l’injustice avec Wafia :
Chanson de « la Voix du peuple » par DAK :