Panique à Alger : Le Goncourt qui fait trembler les généraux
Kamel Daoud: le favori du Goncourt qui fait trembler les militaires à Alger
À la veille de l’attribution du Prix Goncourt, une panique s’empare des cercles du pouvoir militaire à Alger. Kamel Daoud, avec son roman Houris, est donné favori pour remporter cette distinction prestigieuse créée en 1903, ayant déjà sacré des géants comme Proust, Malraux et Beauvoir. Cette consécration, qui est décernée à la mi-journée au restaurant Drouant à Paris, comme le veut la tradition depuis l’édition 1914 du Goncourt, marquerait un événement majeur pour la littérature algérienne et une reconnaissance pour l’auteur de Meursault, contre-enquête, primé en 2015.
En coulisses, la machine à censure s’active pour torpiller Kamel Daoud
À la veille de cette annonce, nos sources nous ont informé que les services d’Alger s’activent dans l’ombre en exerçant des pressions et des intimidations sournoises, directement sur les membres jury du Prix Goncourt et sur Kamel Daoud lui-même à l’heure où nous écrivons, dans le but de torpiller cette récompense. Nos sources nous ont signalé des intimidations et menaces allant de menaces diplomatiques discrètes à des messages anonymes, accusant l’auteur de trahison, de calomnie, et allant jusqu’à déterrer son passé supposé d’islamiste ou des allégations de violence conjugale. La machine à salir tourne à plein régime.
Que craint tant le régime militaire d’Alger chez Kamel Daoud, au point de vouloir le réduire au silence après avoir échoué à museler Hichem Aboud ? La réponse ne tient pas à une simple allergie à la critique, mais à un calcul froid : derrière le prestige littéraire se profile une menace autrement plus redoutable pour le régime : la vérité. En effet, la couverture médiatique internationale du livre menace de remettre en avant un débat que le régime s’efforce de faire taire, et de précipiter des bouleversements géopolitiques que le pouvoir redoute plus que tout.
La crainte du régime réside en partie dans le pouvoir des intellectuels à influencer l’opinion publique. L’Algérie indépendante depuis 1962 n’a jamais connu des épisodes de censure aussi violente et flagrante. Dernier exemple en date: l’éditeur français Gallimard, qui publie Kamel Daoud, s’est vu interdire de participer au Salon international du livre d’Alger 2024. On a aussi interdit aux éditeurs d’exposer ses livres, ainsi que ceux de Boualem Sansal et Mohamed Sifaoui, car ils font partie de la fameuse « blacklist » imposée par l’antenne des services de renseignement au ministère de la Culture. De plus, on refuse de laisser venir la lauréate du prix Nobel de littérature 2022 Annie Ernaux, invitée par l’Institut français d’Alger en 2023. Ce refus aurait été motivé par la signature par l’écrivaine, aux côtés d’intellectuels du monde entier (Noam Chomsky, Ken Loach, Achille Mbembe, Abdellatif Laâbi, etc.), d’une tribune appelant les autorités algériennes à libérer le journaliste et patron de presse El Kadi Ihsane, qui avait été détenu injustement selon de nombreux observateurs internationaux, et libéré le 1er novembre 2024. Bien que cette libération soit le fruit d’une campagne internationale et de pressions exercées notamment du Parlement Européen et de l’Ambassade des États-Unis, le régime a orchestré sa libération un an plus tard de manière à préserver les apparences, en mettant en avant l’idée d’une “grâce présidentielle”.
La décennie noire revisitée
Mais il y a encore plus terrorisant pour le régime militaire d’Alger: Houris ouvre, une page d’histoire que le régime voudrait garder hermétiquement fermée : celle de la décennie noire. Cette mise en lumière médiatique en France et internationale des propos critiques de Kamel Daoud sur le silence imposé par la Charte, sur l’absence de traitement dans les manuels scolaires, sur l’invisibilisation des victimes. Il aborde frontalement ce sujet tabou en Algérie, à travers le récit d’Aube, une survivante muette d’un massacre brutal. Cet affrontement frontal, mis en lumière par la couverture médiatique internationale que profère le prestigieux prix Goncourt, mettrait en lumière des aspects sombres de l’histoire algérienne que le régime préfère taire, notamment les allégations de crimes de guerre impliquant des personnalités militaires actuelles.
En effet, des figures comme le général Chengriha et le général Abdelkader Haddad, dont l’implication dans des assassinats de civils et des exécutions extrajudiciaires sommaires est documentée dans d’autres ouvrages, apparaissent ici sous un jour accablant. Dans La Sale Guerre de Habib Souaïdia (Éditions La Découverte, 2001), le colonel Chengriha – alors inconnu du grand public et bien avant qu’il ne devienne l’un des hommes les plus puissants du régime – est cité à 14 reprises. Souaïdia y relate sa responsabilité directe dans la mort d’au moins 40 personnes, dont une qu’il aurait abattue de sang-froid, laissant son corps dans une mare de sang, ainsi que huit violations des conventions de Genève et neuf infractions au code militaire, pour la seule période de 1993 à 1995 dans la région de Lakhdaria. De quoi glacer les militaires actuellement au pouvoir. Une vérité que le régime s’efforce d’étouffer depuis des décennies. Une perspective qui terrorise un régime habitué à gérer l’histoire comme un secret d’État, et de sortir la carte de “non-ingérence” dans les affaires internes de l’Algérie. Ce sera une pression de plus, au régime qui fait face à d’autres pressions palpables due à son illégitimité au pouvoir: ses échecs diplomatiques, notamment le Polisario, la crise actuelle avec les étudiants en médecine, qui réclament leurs droits à la mobilité et une vie plus digne.
Voilà ce qui terrifie tant le régime militaire d’Alger: ce n’est pas tant le Prix Goncourt en lui-même que ce qu’il pourrait déclencher. Si les services de renseignement s’acharnent à intimider le jury et l’auteur, c’est parce que la couverture médiatique internationale menace de révéler de bien plus explosif : remettre en lumière la décennie noire et les implications directes de certains généraux, aujourd’hui au pouvoir, dans des crimes contre l’humanité et des exécutions extrajudiciaires durant cette période. Le régime pensait avoir enterré la vérité pour toujours, usant de méthodes rappelant celles de la Stasi et de la Securitate, et allant jusqu’à l’assassinat du Général Larbi Bennacer en 2005. Mandaté par le président de l’époque, Abdelaziz Bouteflika, pour enquêter sur les exactions passées, le Général Bennacer aurait constitué un dossier solide comprenant des photos, des vidéos, des témoignages, des rapports d’expertise et des preuves ADN. Les éléments du dossier indiquent que les personnes enterrées dans des fosses communes provenaient de prisons militaires. Beaucoup de ces victimes n’auraient eu aucune relation avec les islamistes ou la politique ; après arrestation et torture, et en raison de leur innocence, elles auraient été exécutées pour empêcher qu’elles ne révèlent les sévices subis. Le Sergent-Chef Houari a témoigné dans une vidéo, décrivant comment des membres d’une unité secrète surnommée « l’escadron de la mort », dont Abdelkader Haddad et Hocine Oubelaïd, recevaient et se partageaient des sommes d’argent après des exécutions sommaires, protégés par leur chef Athman Tartag. Ces corps auraient été enterrés dans des sacs noirs et jetés dans des fosses communes dans la région de la Mitidja à Blida, sous la responsabilité directe de Djebbar M’henna à l’époque.
Alors que l’enquête du Général Bennacer progressait, des informations auraient fuité et seraient parvenues au bureau du Général Toufik. Début septembre 2005, un escadron de la mort dirigé par Abdelkader Tourabi, alias Hassane, assassine Larbi Bennacer dans sa voiture, son décès étant déclaré comme un accident de la circulation sans qu’aucune enquête ne soit menée. Gaïd Salah avait réouvert le dossier lorsqu’il a ordonné l’arrestation du Général Toufik en Mai 2019, mais l’affaire n’est plus, après le décès de Gaïd Salah le 23 Décembre 2019, selon son secrétaire Guermit Bounouira, Gaïd Salah fut assassiné par Chengriha.
Aujourd’hui, deux des fils du Général Larbi Bennacer sont en prison et un en exil : Nacer, et Boualem Bennacer, ancien consul à Alicante sont dans la prison militaire, et Toufik Bennacer, actuellement en exil et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international pour avoir publié des vidéos sur YouTube dans lesquelles il incrimine directement Saïd Chengriha.
Cette histoire tragique n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des vérités que le régime algérien tente désespérément d’étouffer. Mais l’Histoire a parfois des revanches inattendues. Ce qui a été enterré dans les geôles de la police secrète Algérienne, étouffé par deux décennies d’omerta, menace aujourd’hui de ressurgir là où Alger s’y attend le moins : sous les projecteurs du Prix Goncourt, porté par les plumes les plus fines de la littérature algérienne.
Cette consécration littéraire fait trembler les généraux car elle pourrait déclencher un débat public international sur les zones d’ombre de la décennie noire. À travers son roman Houris, Kamel Daoud lève le voile sur cette période trouble, donnant voix aux victimes longtemps réduites au silence…
Le prestige littéraire face à l’autoritarisme militaire
Demain, le jury du Goncourt ne se prononcera pas seulement sur le destin d’un roman. Il décidera si la vérité historique peut triompher de l’intimidation, si la littérature a encore le pouvoir de vaincre la peur. Le monde littéraire aura les yeux rivés sur cette annonce, le régime militaire d’Alger retient son souffle, conscient que le débat suscité autour de Kamel Daoud et de son œuvre dépasse largement le domaine des lettres. Car au-delà d’une distinction littéraire prestigieuse, l’importance fondamentale de la liberté d’expression, ainsi que le rôle crucial des écrivains dans sa défense, sont des notions dont les écrivains et journalistes algériens semblent être devenus amnésiques.
Le régime en est conscient : un livre peut être plus redoutable qu’une armée, et une plume plus dévastatrice qu’un T-50.
Sources:
- Kamel Daoud, favori du Goncourt devant Gaël Faye – Le Figaro
- Goncourt du Premier Roman – Académie Goncourt
- Xavier Driencourt : la traque des opposants au régime d’Alger – Valeurs Actuelles
- Algérie – Reporters Sans Frontières (RSF)
- « Houris » de Kamel Daoud (Gallimard) indésirable au Salon international du livre d’Alger – Le Point
- Pourquoi Annie Ernaux a-t-elle été privée de visa algérien? – Le Point
- Arrestation du journaliste Ihsane El Kadi: l’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir – Le Monde
- Algérie. Arrestation du journaliste Ihsane El Kadi : « L’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en trainde devenir » – Amnesty International
- Algérie : le journaliste Ihsane El Kadi libéré à la suite d’une grâce présidentielle – Le Monde
- Résolution du Parlement européen sur la situation en Algérie – Parlement Européen
- Grâce présidentielle : libération d’El Kadi Ihsane et de plusieurs détenus – El Watan
- La sale guerre – Éditions La Découverte
- Algeria elections: Tebboune and the struggle for legitimacy – The Guardian
- Algeria elections: Tebboune – Atlantic Council
- En Algérie, le ras-le-bol des étudiants en médecine – Le Monde
- Nombreux cas de torture en Algérie, mais aucune mesure prise – Atalayar
- Algeria and human rights abuses – Associated Press (AP)
- Why Algeria’s intelligence head was sacked – Menas Associates
- Colonel Bennacer défie le général Chengriha – Atalayar
- Exclusif : Les autorités algériennes diffusent le mandat d’arrêt international contre le fils du général Bennacer – Maghreb Intelligence
- Algérie : l’incroyable déballage par le fils du défunt général Larbi Bennacer de la vie sulfureuse du général SaidChengriha – Maghreb Intelligence
3 commentaires