Alger sous Haute Tension : Stratégies anticipées du pouvoir algérien face aux risques internes et externes

À l’approche de chocs diplomatiques, économiques et sociaux potentiels, le pouvoir algérien déploie une stratégie de type militaire pour faire face à ce qu’il qualifie de tentatives étrangères de déstabilisation.
Les propos du président Abdelmadjid Tebboune le 25 avril à Béchar sur des « temps difficiles », combinés à l’adoption récente de la loi sur la mobilisation générale et à une campagne médiatique contre la « désinformation », dessinent les contours d’une stratégie défensive à multiples facettes.
1. Durcissement intérieur : Vers une dictature préventive ?
Renforcement du cadre légal répressif
Décrets d’application de la loi sur la mobilisation générale : contrôle accru sur l’information.
Redéfinition vague des « informations sensibles » : répression possible de l’opposition, des journalistes et des internautes.
Projet de loi sur la « souveraineté numérique » : restrictions sur VPN, localisation des données, surveillance des communications, inspirées des modèles chinois et iranien.
Réorganisation administrative ciblée
Remaniements dans les secteurs sensibles (éducation, énergie, télécoms).
Nominations d’acteurs proches du pouvoir sécuritaire.
Universités : placement de recteurs idéologiquement alignés, censure discrète de disciplines jugées subversives (sciences politiques, droit international, histoire contemporaine).
2. Dossier du Sahara occidental : Point de rupture imminent
Anticipation d’une défaite diplomatique
Risque d’inscription du Front Polisario sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis.
Éventuelle exclusion d’Alger du sommet de la Ligue arabe à Bagdad.
Ces événements pourraient engendrer une crise politique majeure, d’autant plus que l’Algérie a investi plus de 500 milliards de dollars dans ce conflit depuis 1975.
Maîtrise préventive du numérique
Surveillance renforcée des réseaux sociaux.
Crainte de perte de contrôle symbolique en cas de victoire diplomatique marocaine.
3. Économie en sursis : Une rente en fin de cycle
Vulnérabilités structurelles
Économie toujours dépendante à 95 % des hydrocarbures.
Chômage des jeunes : 30 % en moyenne, jusqu’à 50 % dans certaines régions.
Inégalités territoriales, sur-administration, tissu productif faible.
Érosion du modèle redistributif
Inflation au-delà de 10 %.
Réduction des subventions.
Services publics en dégradation.
Impossibilité d’acheter la paix sociale : risque d’explosion populaire.
4. Facteurs sociaux : Le feu couve sous la cendre
Le précédent du Hirak
Mémoire collective encore vive des mobilisations de 2019–2021.
Réseaux sociaux, discours unificateur et pacifisme toujours latents.
Jeunesse en veille
Plus de 54 % de la population a moins de 30 ans.
Génération connectée, désabusée, exclue du système productif : potentiel de contestation élevé.
D’où les projets de contrôle numérique renforcé.
5. Dimension géopolitique : L’armée comme bouclier symbolique
Mobilisation partielle aux frontières ?
Exercices militaires envisagés à Tindouf, Béchar.
Mise en scène de la « résilience » nationale face aux menaces extérieures.
Rapprochement stratégique avec Moscou et Pékin
Visite présidentielle possible en Russie ou en Chine.
Recherche d’alternatives à l’isolement régional et occidental (coopération avec l’Afrique du Sud, etc.).
6. Contrôle informationnel : Verrouiller les perceptions
Offensive contre les plateformes numériques
Pressions sur les géants du Web pour ouvrir des bureaux locaux.
Ralentissements ou blocages ciblés de plateformes.
Mise en place d’un système national de surveillance automatisée.
Création d’un écosystème informationnel souverain
Réseaux sociaux algériens, plateformes vidéo locales, moteur de recherche national.
Soutien technique étranger (Chine, Iran, Russie).
7. Scénarios de rupture : Basculement ou continuité ?
Vers un effondrement accéléré ?
Une défaite diplomatique majeure et une crise économique pourraient déclencher une crise de légitimité.
Soulèvement spontané possible dans les régions marginalisées (Sud, Hauts Plateaux), sur fond de chaos.
Le facteur militaire
Fractures internes potentielles au sein de l’armée.
Crise de succession si le président Tebboune devient inapte.
Le général Chengriha détient les leviers, mais son autorité pourrait être contestée.
Indicateurs à surveiller :
Remaniements ministériels (Intérieur, Communication, Numérique).
Discours présidentiel alarmiste sur une « menace existentielle ».
Ralentissements ou coupures ciblées des réseaux sociaux.
Arrestations massives de journalistes ou d’influenceurs.
Mouvements militaires inhabituels.
Mobilisations sociales locales (secteurs publics, zones rurales).
Conclusion
Le régime algérien se prépare à une période de turbulences multidimensionnelles :
Perte d’influence régionale,
Risque d’effondrement économique,
Montée des tensions sociales.
Pour y répondre, il adopte une stratégie de verrouillage préventif : contrôle de l’information, posture militaire, diplomatie alternative.
Mais cette stratégie pourrait être contre-productive et même déclencher une spirale incontrôlable. Un effet boomerang est à craindre, car la société algérienne demeure extrêmement sensible aux signaux d’humiliation nationale notamment sur la question du Sahara occidental.
L’histoire récente a montré que lorsque la dignité nationale est perçue comme menacée, la réponse populaire peut être massive, spontanée et profondément déstabilisatrice. Le régime le sait… et il tremble.