Algérie

Opération d’enlèvement ratée : Le premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie n’est plus couvert par l’immunité diplomatique

Les autorités françaises ont établi que Salah-eddine S., ancien premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie à Paris, ne bénéficie plus de l’immunité diplomatique dans l’affaire de l’enlèvement, en 2024, du réfugié politique Amir Boukhors.

Conformément à l’article 39(2) de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, l’immunité cesse à la fin de la mission d’un diplomate, sauf pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions officielles. La surveillance, l’enlèvement et la collaboration avec des réseaux criminels ne relèvent pas d’activités diplomatiques protégées. Ayant quitté la France en août 2024, Salah-eddine S. peut désormais être poursuivi en justice. L’obstacle n’est plus juridique, mais purement politique.

Amir Boukhors devait initialement être exfiltré le 30 avril 2024, de l’Île-de-France vers Alicante (Espagne) à bord d’un véhicule diplomatique algérien. L’opération ayant été repoussée de 24 heures –pour des raisons non précisées jusqu’à présent– les ravisseurs ont dû improviser. Lors de la détention nocturne dans un site de fortune, Mohamed K. et Michel C., les exécutants, ont demandé en urgence 2 000 € à leurs donneurs d’ordre, Salah-eddine S. et l’adjudant Smail R.. Cette somme visait à rémunérer deux nouvelles participantes, Nathalia C. et une femme voilée non identifiée, chargées de surveiller et de droguer Amir.

Fethi Rochdi Moussaoui, à l’époque chef du bureau de sécurité de l’ambassade d’Algérie à Paris, aujourd’hui directeur de la DGDSE (renseignement extérieur algérien), étant indisponible pour accéder à la caisse noire des opérations secrètes, Salah-eddine S. a personnellement retiré 2 000 € en liquide depuis son compte personnel à 2h00 du matin, dans un distributeur situé à proximité du lieu de l’enlèvement. Le renseignement français a confirmé ce retrait via des données de géolocalisation, traçage téléphonique, et autres sources techniques confidentielles.

Un imprévu crucial a modifié le déroulement de l’opération : Amir, souffrant d’une infection dentaire sévère et censé consulter un dentiste ce matin-là, a repris conscience sous l’effet de la douleur malgré les sédatifs. Il a engagé la conversation avec les deux femmes, s’est rendu compte qu’elles ignoraient son identité, et leur a expliqué son statut de réfugié politique. Alarmées, elles ont prévenu les autres membres du groupe. Il a été libéré peu après, en bordure d’un bois près de Paris.

Le mardi 13 mai 2025, la police antiterroriste et la DGSI ont procédé à l’arrestation de six personnes dans le cadre de l’enquête. Tandis que la justice n’a rien encore détaillé, nous avons à travers notre investigation pu identifier les principaux impliqués dans l’exécution du kidnapping:

  • Salah-eddine S. : Premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie
  • Houssam-eddine B. : Consul adjoint au consulat de Créteil
  • Smail R. : Adjudant de la DGDSE
  • Mohand D. : agent civil assimilé de la DGDSE, arrêté le 8 avril, libéré pour raisons de santé (maladie grave incompatible avec la détention)
  • Mohamed K. (citoyen algérien), compagnon de Nathalia C., une gitane enceinte
  • Michel C. (gitan), père de Nathalia, dirigeant du premier groupe des faux policiers
  • Une femme voilée non identifiée à ce stade, amie de Nathalia C.

La chaîne de commandement est aussi plus claire: agissant sur les ordres de leurs supérieurs, Salah-eddine S. et l’adjudant Smail R. ont recruté et payé deux individus : Saïd L. (franco-algérien, multirécidiviste) et Kamel S.M. (franco-algérien, également multirécidiviste). Ces deux individus ont contacté Mohamed K. pour monter un commando d’enlèvement, lequel a fait appel à Michel C., son beau-père.

Tandis que Smail R., Saïd L., Kamel S.M., Mohand D., Mohamed K., Michel C. Nathalia C. sont en France, Salah-eddine S. et Houssam-eddine B. se sont exfiltrés en Algérie. La France prépare un mandat d’arrêt international (Interpol) contre Salah-eddine S. et Houssam-eddine B. En plus des deux mandats d’arrêt à l’encontre du général Rochdi Fethi Moussaoui et du colonel Souahi Zerguine.

Il est cependant très peu probable que les militaires remettent Salah-eddine S. ni Houssam-eddine B. à la justice française. Ce serait à la fois un aveu explicite d’implication étatique dans l’enlèvement d’un opposant exilé, mais surtout une capitulation humiliante, deux choses que le régime, actuellement dans une logique de surenchère, refusera catégoriquement. Les demandes françaises de remise s’inscrivent davantage dans une stratégie graduelle de documentation procédurale : établir une chronologie, monter la pression médiatique, et pouvoir formellement déclarer qu’une demande a été faite et ignorée.

Ce qui est certain, c’est que les mandats d’arrêt internationaux émis contre le général Rochdi Fethi Moussaoui et le colonel Souahi Zerguine, ainsi que ceux attendus contre Salah-eddine S. et Houssam-eddine B., limiteront drastiquement leurs déplacements internationaux en raison du risque d’arrestation et d’extradition. Surtout, leurs noms seront inscrits dans les bases de données de la DGSE et de la DGSI concernant les agents diplomatiques et de renseignement. Ces fichiers sont partagés dans le cadre des échanges interservices entre partenaires en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. Toute carrière ou mobilité internationale deviendra impossible en dehors des États non coopérants tels que la Chine, la Russie, le Venezuela, l’Iran, la Corée du Nord, ou l’Ouganda. À l’inverse, Kamel Daoud, visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par le régime algérien pour des motifs reconnus comme relevant de la persécution judiciaire, sera radié de ces listes et continuera à voyager librement.

Abderrahmane Fares ✍️

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page